C. const., 19 septembre 2019, arrêt n° 120/2019

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Revue
Numéro 3
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C. const., 19 septembre 2019, arrêt n° 120/2019

Année 2019 Volume 2019 Numéro 3 Page 411 Langue Français Juridiction Grondwettelijk Hof - Cour Constitutionnelle - Arbitragehof - Cour d'Arbitrage, 19/09/2019 Référence “C. const., 19 septembre 2019, arrêt n° 120/2019”, IA 2019, nr. 3, 411-416 Résumé Le caractère contraignant du régime de l'emploi des langues en matière judiciaire touche non seulement au droit d'accès au juge mais aussi à un aspect de la bonne administration de la justice et à un aspect de la diversité linguistique consacrée par l'article 4 de la Constitution qui sont à ce point essentiels que la protection de ces aspects intéresse tous les justiciables. À la suite de l'article 34 de la loi du 25 mai 2018 (loi pot-pourri n° 6), la juridiction qui a rendu la décision, la juridiction à laquelle ladite décision est déférée ou le juge des saisies peuvent désormais, à tout moment, rectifier, d'office ou à la demande d'une partie, «une méconnaissance d'ordre purement formel de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire » (art. 794 C. jud.). Cette disposition n'altère pas les garanties processuelles et constitutionnelles car elle vise à permettre de rectifier des erreurs commises dans la mention d'une formalité qui est imposée par la loi du 15 juin 1935. Il est, par exemple, question d'une méconnaissance formelle de la loi précitée si une décision judiciaire comporte une citation formulée dans une langue autre que la langue de la procédure. En revanche, une méconnaissance qui n'est pas d'ordre purement formel, ce qui est le cas si le juge statue dans une autre langue que la langue obligatoire de la procédure, ne pourrait pas être réparée par une procédure en rectification. Les voies de recours disponibles sont ouvertes contre une telle méconnaissance. En outre, une rectification ne peut pas avoir pour effet d'étendre, de restreindre ou de modifier les droits consacrés dans la décision judiciaire. La demande de rectification ne peut ainsi pas être un moyen pour porter atteinte à l'autorité de la chose jugée de la décision prise antérieurement. Enfin, l'effet dévolutif de l'appel entraîne, dans les limites de l'appel, le dessaisissement définitif du premier juge quant au litige et son transfert au juge d'appel. Ainsi, le juge qui a rendu la première décision n'a plus la possibilité de rectifier celle-ci lorsqu'une voie de recours est utilisée contre cette décision. L'emploi des langues a fait l'objet d'une répartition de compétences entre l'État fédéral et les communautés, qui a réservé au législateur fédéral le règlement de l'emploi des langues en matière judiciaire (article 30, lu en combinaison avec l'article 129, de la Constitution). Toutefois, lorsque le législateur fédéral règle les éléments essentiels de la réforme qui concernent l'emploi des langues en matière judiciaire au sein de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles, cette loi doit être adoptée à la majorité spéciale visée à l'article 4, dernier alinéa, de la Constitution, conformément à l'article 157 bis de la Constitution. Cette condition de majorité spéciale a été insérée dans la Constitution comme une garantie pour préserver l'équilibre communautaire et la paix entre les communautés et l'État fédéral. Avant sa modification par l'article 5 de la loi du 25 mai 2018, l'article 40, alinéas 1 er et 2, de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire faisait obligation au juge de déclarer nul d'office un acte de procédure ne respectant pas les prescriptions linguistiques. Par suite de la modification législative, la nullité d'un acte de procédure pour violation de la loi du 15 juin 1935 doit par contre être soulevée in limine litis par une partie au procès qui est en outre tenue démontrer que la violation de la loi a nui à ses intérêts. Il s'en suit que la loi du 15 juin 1935 ne peut plus être considérée comme une législation relevant de l'ordre public et le juge ne peut désormais plus sanctionner d'office le non-respect de la loi. En assimilant la nullité prévue à l'article 40 de la loi du 15 juin 1935 au régime de droit commun des nullités, la disposition attaquée modifie le régime de sanction applicable en cas de méconnaissance des articles 1 er à 39 de cette loi. Parmi ces dispositions figurent les règles qui relèvent des éléments essentiels de la réforme qui concernent l'emploi des langues en matière judiciaire au sein de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles. La disposition attaquée devait par conséquent être adoptée par une loi adoptée à la majorité spéciale prévue à l'article 4, dernier alinéa, de la Constitution, conformément à l'article 157bis de la Constitution, ce qui n'a pas été le cas. Dès lors, elle doit être annulée en ce qu'elle est applicable dans l'arrondissement judiciaire de Bruxelles. La loi du 15 juin 1935 a réglé l'emploi des langues en matière judiciaire en Belgique en se fondant sur le principe de l'unilinguisme des actes judiciaires et de la procédure, ce qui a des répercussions sur l'organisation judiciaire et sur la connaissance linguistique requise des magistrats. À la suite de la modification législative, le juge ne dispose plus d'aucune possibilité d'intervenir d'office lorsque les parties ne respectent pas les règles prévues par les articles 1er à 39 de la loi du 15 juin 1935 et, de ce fait, compromettent l'unilinguisme de la procédure, le droit à un procès équitable ou la bonne administration de la justice. Dans ces circonstances, le juge peut être obligé de connaître d'actes de procédure qui n'ont pas été accomplis dans la langue obligatoire de la procédure devant la juridiction dont il relève et qu'il n'est pas supposé connaître légalement. Il en va non seulement ainsi pour les pièces de la procédure déposées par les parties, mais aussi pour les rapports des experts qui doivent également être rédigés dans la langue de la procédure unilingue. Ainsi, il n'est pas garanti que, préalablement à sa décision, le juge puisse prendre adéquatement connaissance des griefs et des arguments des parties et que le droit à un procès équitable soit garanti. Partant, la disposition attaquée qui modifie le régime des nullités en matière d'emploi des langues doit être annulée.

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